Raison ? Raison comme chercher et réfléchir ? Raison opposé à avoir tort ? Un rapport indépendant sur les enjeux du projet de mine a été remis voici quelques jours à la mairie de Fontrieu, réalisé par une ONG experte.
Mais avant que nous le commentions, revenons donc un peu en arrière…
Il s’est écoulé une année depuis cette soirée du 19 juin 2019, au cours de laquelle s’est constitué notre collectif Stop Mines 81, au milieu de l’étable de la Métairie Haute. D’abord mus pour nos sensibilités et nos intuitions, nous avons occupé cette année à lire, chercher, comprendre, apprendre, interpeller, écrire dans tous les registres que nous pouvions, pour montrer, pour démontrer que ce projet de mine, dit de « La Fabrié », comme tous les travaux miniers, arrivent et demeurent avec leurs cortèges de déboires, d’atteintes sociales et environnementales, inéluctablement.
Bien sûr, nous ne sommes pas des spécialistes des mines, de l’hydrologie, de l’hydrogéologie, de la métallurgie, de la minéralogie, des finances, de l’économie… Nous ne prétendons pas le devenir. Nous prétendons à vivre le plus simplement du monde dans un environnement sain, et aussi préservé que possible.
Rappelons ici nos journées et actions de mobilisation, nos panneaux explicatifs, nos articles d’information, nos démarches vers les autorités et les protagonistes, nos questions à l’adresse des porteurs de ce morne projet, et des acteurs institutionnels, parfois restées sans réponses, souvent éludées, minimisées, voire carrément travesties !
Disons les choses simplement : la mine, ça pollue, sévèrement et définitivement.
Et Stop Mines 81, dès l’été et l’automne dernier, a soulevé par exemple les questions sur les atteintes en termes de qualité et de pérennité des ressources en eau de Fontrieu, des nuisances potentielles sur la santé, des pollutions possibles, des dégradations des écosystèmes locaux…etc, etc…
C’est dans ce contexte, à la fin de l’été dernier, et par ailleurs, que la municipalité de Fontrieu a décidé de faire appel à l’association SystExt, composée de professionnels et d’experts dans le domaine touchant et gravitant autours des questions minières, pour réaliser une mission d’étude sur les enjeux de ce projet de mine de tungstène. Les élus ont voulu avoir un éclairage avisé et indépendant sur cette affaire.
Après plusieurs mois d’études, ponctuées de plusieurs visites sur site à la rencontre de toutes les parties prenantes locales, l’association SystExt a rendu son rapport d’études sur les enjeux du projet minier à la municipalité au début du mois de juin, qui l’a rendu public dans la foulée. Il est disponible sur le site de la municipalité, sur celui de SystExt, ou encore le nôtre.
Sur la forme, ce rapport de plus de 150 pages constitue un tour de force remarquable : les enjeux de ce projet minier, qui font appel à des notions techniques parfois complexes, évidemment spécifiques, sont explicités dans une volonté manifeste de détail, avec une attention constante de demeurer à portée des lecteurs. Un exercice de vulgarisation réussi, dont nous recommandons bien entendu la lecture.
Nous donnons ici quelques éléments marquants et certaines recommandations de SystExt, formulées dans la perspective théorique d’une réalisation du projet minier (un résumé est proposé page 127).
On commence par la présence de 23 métalloïdes et métaux (page 35) dans le sous-sol du projet, dont le plus grand nombre font l’objet de valeurs limites réglementaires diverses quant à leur présence dans l’eau au sens large, c’est-à-dire en termes de rejet dans l’environnement (effluents industriels), ou encore de concentration dans les eaux destinées à la consommation. Certains ont une toxicité élevée bien connue : arsenic et plomb. On les retrouvera dans les gravats générés par les excavations nécessaires pour atteindre les gisements, qui seront entreposés en surface et dans les boues générées par le traitement du minerai, qui seront stockées derrière des digues. On les retrouvera aussi dans les galeries de la mine. Tous ces travaux miniers vont engendrer leur « libération », et accroître considérablement le risque de leur dissémination dans l’environnement et à travers le temps.
Et précisément, en partie à cause de la survenue très probable du phénomène de drainage minier (page 41). Très schématiquement, cela résulte des séquences suivantes: il pleut, l’eau s’infiltre dans les galeries de la mine et dans les décharges de surface (gravats et boues précédemment évoqués), elle se charge en métaux, métalloïdes et substances chimiques, pour s’écouler mécaniquement dans les cours d’eau, les sols, et les polluer. Nous avons relaté à plusieurs reprises l’existence de ces phénomènes inhérents aux industries minières, par exemple localement au niveau des anciennes mines de Montroc et de Saint-Salvy. Respectivement 15 et 27 ans après l’arrêt de leur exploitation, ces mines continuent à être le siège de drainages miniers. Voici 2 clichés récents qui illustrent le phénomène :
Il y a aussi l’existence bien réelle du risque amiantifère (page 47). Il se trouve que le minerai de tungstène de ce projet est souvent associé à une famille de minéraux particuliers, les amphiboles, et plus précisément de l’actinolite et de la trémolite. Si la qualification d’amiante pour ces minéraux est encadrée réglementairement par des critères précis, les travaux miniers vont conduire à concasser finement ces roches et générer des particules pour lesquelles l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) préconise, compte tenu des risques très graves pour la santé (cancers), d’appliquer la réglementation très stricte de l’amiante. L’exploitation du gisement engendrerait ainsi des risques considérables pour les salariés de la mine. On rappelle à ce propos notre saisine sur cette question de l’Autorité Régionale de la Santé, et sa réponse récemment arrivée. SystExt recommande à la mairie de se tourner vers Tungstène du Narbonnais pour leur demander de prendre en compte ce sujet, pour l’instant totalement éludé.
Sont aussi abordés divers points relatifs aux conditions d’exploitation de cette mine, tels qu’annoncés par le porteur de projet. Nous rappelons ici que ce dernier a publiquement affirmé être ici pour exploiter ce gisement, en émettant des considérations d’ordre technique a minima optimistes, par ne pas dire farfelues : par exemple pas de flottation (page 57) pour le traitement et 90 % des résidus réinjectés en sous-sol (page 65) ! Pour mémoire, la flottation est une méthode de traitement du minerai utilisant des additifs et des réactifs chimiques. Les analyses factuelles de SystExt sur ces 2 points remettent assez directement en cause leurs affirmations, au point qu’il est recommandé à la mairie de demander au porteur de projet de « clarifier » les engagements écrits (qui eux prévoient la flottation, et le stockage des résidus de traitement en surface notamment).
Toutes ces considérations techniques ont de près ou de loin un rapport avec l’atteinte des ressources en eau du secteur. Et l’on entre ici dans un chapitre dense, mais crucial pour le secteur : l’hydrogéologie (page 79). Si leur étude met en lumière la légèreté avec laquelle cet enjeu primordial a été traité par les porteurs de projet, SystExt préconise en contrepoint d’interdire tous travaux dans une grande partie de périmètre, compte tenu de la présence d’un captage d’eau potable, sauf à ce que cette ressource soit volontairement abandonnée ! Par ailleurs, des tarissements de sources sont à prévoir, ainsi que des modifications des équilibres hydrogéologiques potentiellement irréversibles.
Et il faudrait compter aussi avec les volumes très conséquents des eaux d’exhaure (eaux de la mine à évacuer), dont le rejet dans la zone du projet mettrait en péril les cours d’eau du secteur et porterait atteinte à la biodiversité particulière du secteur, composée notamment de zones humides (page 113). Là encore, l’absence manifeste de prise en compte des spécificités du secteur est mise en lumière, et fait craindre à SystExt une minimisation de ces risques en cas de poursuite du projet.
1 an, l’âge de raison ?
Stop Mines 81 a-t-elle raison de militer contre ce projet, a-t-elle raison de vouloir alerter et empêcher qu’il advienne ? Les éléments apportés par le rapport d’étude de SystExt sur le projet minier de Fontrieu conduisent selon nous à répondre à ces questions simplement : OUI !
Souhaitons que la raison l’emporte : il faut dire NON à ce projet.
Tant qu’il ne sera pas abandonné, Stop Mines 81 pour sa part continuera la lutte contre celui-ci.